Mustang (définition) : Petit cheval (ou pony) des plaines de l’Ouest des États-Unis, descendant direct des chevaux amenés par les Espagnols (le cheval n’existait pas en Amérique avant Christophe Colomb). Le nom vient de l’espagnol mestango signifiant « cheval sauvage ». Le Mustang est la monture du cow-boy, c’est un cheval dressé, avant le dressage, on parle de bronco.
C’est le Président J.-F. Kennedy qui fut lui-même un peu la Mustang de la politique américaine, qui ouvrit sans le savoir la route à la Ford Mustang. En décembre 1960, il nomma Robert Mac Namara secrétaire d’État à la défense. Mac Namara, qui avait des principes, démissionna aussitôt de la confortable situation qu’il occupait dans l’industrie privée.
Cette situation n’était rien de moins que la présidence du groupe Ford. Ce départ précipité produisit un certain remue-ménage au sommet de l’organigramme de la FoMoCo (Ford Motor Company). Une des conséquences fut qu’un nouveau directeur général, avec le titre de vice-président, fut nommé à la tête de la division Ford qui fabriquait les voitures portant la marque Ford, au sein du groupe.
Cet homme s’appelait Lee Lacocca et n’aurait plus désormais de compte à rendre qu’à une seule personne, à Henry Ford II lui-même. Lee Lacocca était un peu le disciple et le frère ennemi de Mac Namara, rêvant à la fois de l’imiter et de le supplanter. Mac Namara, qui n’était pas d’ascendance écossaise pour rien et avait commencé par être professeur d’économie à Harvard, ne jurait que par la rentabilité. C’était lui qui avait métamorphosé la pimpante TBird en massive péniche d’autoroute à quatre places, quatre phares et quatre feux arrière. La Falcon, une berline sérieuse, raisonnable, économique, dont la seule vue donnait envie de bâiller, était la voiture qui lui ressemblait le plus. Mais le plus exaspérant était que Mac Namara avait raison : dès qu’elle avait eu doublé de volume, la TBird avait doublé ses ventes et la Falcon avait été le plus grand succès commercial de Ford depuis la guerre.
Quelques remous annonciateurs se faisaient déjà sentir : le brusque succès de la Chevrolet Corvette, après des années de marasme, la vague déferlante du rock’n roll, Ford était, plus que jamais, bombardé de lettres réclamant le retour d’une voiture comme la TBird originale. Il devenait urgent de rafraîchir l’image de marque de Ford. Pour rajeunir, un seul moyen : le sport !
On peut faire du sport, ou, plus simplement, s’habiller sport. Les Américains ont deux mots pour rendre cette nuance : sporting et sporty. Sporting représente le muscle, la sueur et les dieux du stade, sporty signifie un style de vie et décontracté. Lee Lacocca décida ne pas choisir entre l’un et l’autre, Ford serait les deux.
Il y avait bien un obstacle, mais sur le papier : en 1957, les constructeurs membres de l’AMA (Association des constructeurs d’automobiles américains) avaient signé un accord selon lequel ils se retiraient officiellement de la compétition et s’engageaient à ne plus mettre l’accent sur les performances dans leur publicité. A vrai dire, cet accord, un seul constructeur l’avait vraiment pris au sérieux : Ford. Lee Lacocca n’eut pas de peine à convaincre Henry Ford II et en 1962, l’AMA reçut un pli officiel du constructeur l’informant qu’il entendait désormais faire connaître ses produits, et leurs performances, de la façon qu’il lui plairait.
Il était indispensable que le public n’ignore rien de ces nouvelles résolutions, et, conformément aux usages, on décida de construire un dream car qui serait une sorte de symbole de la jeunesse retrouvée de Ford : une voiture de sport biplace découverte, et, pour bien faire les choses, équipée d’un moteur central. La voiture fut dessinée par les stylistes John Najjar et Jim Sipple, sous la direction de Gene Bordinat (responsable du style chez Ford). Najjar lui donna un nom, celui de son avion préféré, le chasseur North American P-51 curieusement nommé Mustang. Le moteur était tout trouvé, le V4 de la Ford Taunus, idéal en position centrale de part son encombrement. Le prototype fut construit en moins de cent jours sous la direction de Roy Lunn. De fabrication artisanale, le châssis était en tubes d’acier et la carrosserie en plastique.
On l’emmena dans un camion spécial décoré d’un Mustang au galop, sur le circuit de Watkins Glen, le 7 octobre 1962, la veille du Grand Prix des États-Unis.
Elle boucla le circuit, pilotée par le champion Dan Gurney, et plus de vingt mille prospectus furent distribués. Plus personne ne pouvait ignorer que Ford était de retour et de nouveau dans la course.
(Repris du livre Mustang, l’étalon sauvage – Textes de Paul Badré)
Hervé Pannier